Dans le quotidien québecois « Le Soleil », le biérologue belge Philippe Wouters livrait il y a quelques semaines son top 5 des bières qui ont façonnées le paysage brassicole de sa région d’adoption : Le Québec. On s’est essayé à l’exercice pour la région Hauts-de-France.
L’historique bière de garde
La Choulette « Ambrée », Brasserie La Choulette :
La Choulette est l’une des dernières brasseries centenaires encore en activité dans la région. En 1977, Alain Dhaussy reprend avec son père la brasserie Bourgeois-Lecerf à Hordain, au sud de Valenciennes. Son souhait à cette époque d’hégémonie des Lager ?
Mettre en avant son terroir en brassant des bières de garde ! Un paris fou à l’aube des années 80 qui voient beaucoup de brasseries fermer leurs portes. Style originaire du Nord, issue d’une fermentation haute, la bière de garde, ce, tire son nom d’une durée plus longue d’affinage en cuve à basse température (21 jours minimum à XX°). Résultat : une bière haut de gamme aux fines saveurs maltées. En 1981, Alain Dhaussy brasse pour la première fois une bière ambrée : La Choulette.
Son nom est tiré d’un jeu traditionnel populaire de la région. Mais revenons à la dégustation : une robe cuivrée, des notes franches de céréales biscuitées et de caramel. Une identité terroir qui fait de la Choulette ambrée, encore aujourd’hui, une référence dans ce style. Avec une production annuelle de 8 000 hl, l’influence de la brasserie ne se limite pas à Valenciennes et ses environs. Les bières la Choulette sont distribuées sur l’ensemble de l’Héxagone et même au-delà. Elles s’exportent ainsi en Grande-Bretagne, en Italie et aux États-Unis.
On aurait pu citer : la Page 24 Reserve Hildegarde de la brasserie St Germain à Aix-Noulette (62) ou la Jenlain Ambrée de la brasserie Duyck (59)
L’houblonnée bien avant la mode des IPA
« Etoile du Nord », brasserie Thiriez
La brasserie Thiriez, à Esquelbecq, fait figure d’ incontournable du paysage brassicole national. Crée en 1996, elle est à l’origine du renouveau de la brasserie artisanale en France. Avec l’Etoile du Nord, le brasseur Daniel Thiriez y est devenu le précurseur des bières houblonnées. Aujourd’hui le style IPA – India Pale Ale – (bières fortement houblonnées) est repris par la plupart des jeunes brasseries artisanales. L’Etoile du Nord est le fruit d’une collaboration avec le brasseur anglais John Davidson de la Swale Brewery.
Bref, une bière houblonnée et collaborative: la recette d’une bière tendance d’aujourd’hui, avec 10 ans d’avance !. Sur une base de malt pale, ce sont les houblons aromatiques du Kent en Angleterre qui vont donner toute la puissance à cette bière: au nez des arômes fuités et floraux puis une franche amertume d’une belle longueur en bouche. Autre singularité : la brasserie Thiriez possède sa propre levure. Elle est la signature du brasseur.
La brasserie Thiriez produit aujourd’hui 2000 hl et jouit d’une très belle côte outre-atlantique. Avec cette renommée hors de nos frontières c’est tout le savoir faire brassicole de la région qui est reconnu.
On aurait pu citer: L’Agent provocateur, brasserie Craig Allan à Plessis-de-Roye (60)
La saison de référence
« Cuvée des jonquilles », brasserie Au Baro
Tout Nordiste digne de ce nom a déjà bu une « Cuvée des Jonquilles ». Brassée à Gussignies – petit village niché au cœur de l’Avesnois, sur la frontière belge – depuis 1990 par la brasserie Au Baron, elle est récompensée au Brussel Beer Challenge en 2012 d’une médaille d’or dans la catégorie « bière de garde » . Cette bière fait office de référence quand on parle du style « saison » : bière blonde, sèche et désaltérante, équilibre parfait entre un corps malté et de douces saveurs houblonnées.
Singulière de par le type de levure utilisé, son origine est partagée entre France et Belgique Cela ne surprendra personne : la « Cuvée des jonquilles » nous offre de belles saveurs florales. D’une extrême douceur en bouche, elle est à la croisée d’une bière désaltérante, apéritive, et d’une bière de dégustation de par sa subtile complexité aromatique : la bière parfaite en somme !
La brasserie Au Baron n’est pas inconnue dans le paysage brassicole mondial. Elle brasse depuis plusieurs années des bières collaboratives avec des confrères de renommée mondiale : 10 Barrel Brewery, Hill Farmstead & Jester King aux USA par exemple ou encore Mikkeler au Danemark. Des brassins prestigieux qui font de la brasserie nordiste une référence à l’international.
Et cela ne fait peut-être que commencer puisque le style Saison pourrait bien être la nouvelle tendance brassicole de 2020 ! A suivre…
On aurait pu citer : l ‘Anosteke Saison de la brasserie du Pays Flamand à Blaringhem (62).
Entre tradition et modernité
« Mongy blonde », brasserie Cambier :
En 5 ans seulement, la Brasserie Cambier est devenue, pour beaucoup d’amateurs de bière, LA meilleure brasserie des Hauts-de-France.
Il faut dire que la gamme a de quoi ravir le plus grand nombre: des blondes douces et maltées pour les plus classiques , des bières houblonnées ou torréfiées pour les plus curieux, ou des produits plus complexes pour les plus avertis. Depuis 2015, le brasseur, Jean Christophe Cambier, brasse à Croix – à proximité immédiate de Lille – la Mongy Blonde, qui fait office de best-seller dans sa gamme. Cette blonde titrant à 6,2%, est ce que l’on peut appeler une french pale ale : entre saveurs maltées d’une bière de garde et doux arômes houblonnés d’une pale ale à l’anglaise ! Elle prend rapidement place dans les « taplists » des bars lillois, à une époque où les bières belges sont encore sur-représentées.
Aujourd’hui, grâce au succès et à la qualité des bières « Mongy », plusieurs établissements de la Métropole lilloise jouent la carte de l’artisanat local. Appréciée au niveau locale et réputée au niveau national, la brasserie fait aussi la démarche d’ouvrir ses portes tous les samedis matin au public, afin de sensibiliser les consommateurs à ses convictions : maîtrise et rigueur du processus de fabrication, qualité des matières premières et engagement écologique.
On aurait pu citer : la Dix de la brasserie Celestin à Marquette-lès-Lille (59)
Bière éphémère connectée
« Yoga Fire », brasserie Le singe savant :
Micro-brasserie urbaine, taproom, développement via crownfunding, large communauté sur les réseaux sociaux, brassins éphémères, marketing ultra efficace : la petite nouvelle de la métropole lilloise créée en 2016 a tout de la brasserie moderne et innovante. En témoigne la « Yoga Fire », une session pale ale sortie à l’été 2018. Elle fait partie de leur gamme « bières exploratoires » : des brassins éphémères pleines d’originalité mais toujours dans la maîtrise et l’équilibre.
De par sa créativité, la brasserie du Singe Savant ouvre donc le champ des possibles : piment, thé, baies de Tasmanie, sapin, carotte… Les ingrédients utilisés par Pierre, le brasseur, confèrent à ses bières une sapidité étonnante. La « Yoga Fire » ne déroge pas à la règle : concombre, citron, gingembre !
Pour un taux d’alcool de seulement de 2,9%. Les 3 ingrédients distillent leurs saveurs et se complètent en harmonie avec de légères notes maltées. Autre signe de démarche innovante, des étiquettes graphiques et travaillées. La brasserie est un bel étendard pour les Hauts-de-France auprès de la communauté « beer geek », grâce au contenu mais aussi au contenant.
La modernité de la brasserie s’exprime aussi dans son engagement écologique : distribution à l’échelle locale uniquement, bouteilles consignées, outil écoresponsable, recyclage des drêches : une foule d’initiatives qui fait de la brasserie le modèle à suivre pour les brasseurs de demain.
On aurait pu citer : toutes les autres bières de la brasserie du Singe Savant !