Strasbourg, ses ruelles, sa cathédrale, ses promenades à vélo, le long de l’Ill, au coeur de la Neustadt ou de la Grande Ile. Tellement de charmes, d’ambiances et d’histoires animent notre belle capitale européenne. Une histoire est plus gourmande que les autres : celle de sa bière !
Et parfois, partager un bon moment entre amis autour d’une bière à Strasbourg, nous emmène à effeuiller quelques unes des pages de cette riche histoire brassicole régionale…
Tout d’abord, au tout nouveau « Meteor » :
Loi de Stokes illustrée sur le mur, paillasse en carrelage comme dans un laboratoire de brasserie, camion historique de la marque reconvertie en « stammtisch »…tout invite à la curiosité !
Au programme, pas de coquillages et crustacés mais tartes flambées et accords « bières et mets ». Stokes ? kesaco ? Scientifique du XIXe siècle, il théorisa l’explication de la clarification du moût : ce jus sucré à la base de toutes les bières !
Bien sûr, nul besoin de le connaître pour apprécier les bières et ses saveurs, mais il est rare de trouver, dans un lieu dédié à la bière, une telle illustration. Et le clin d’oeil est d’autant plus intéressant que cette loi s’applique tout particulièrement pour obtenir un Pils brillante et limpide. Pils que Louis Haag, mit au point en 1927, en référence à sa grande soeur tchèque : la Pilsner de Plzen.
Aussi, prendre une Pils avec l’illustration de la loi de Stokes, c’est comme faire un petit voyage dans l’univers passionnant ( et technique…) des bières, leur clarification et la fermentation « basse ». Fermentation dont l’Alsace fut pionnière en France avec l’arrivée dès 1847 de cette technique, importée par un certain Mr Schützenberger… mais ça, c’est un autre histoire !
Une fois installé, place à la carte qui propose toute la gamme Meteor. Un très beau travail a été fait pour mettre en avant des accords « mets bières » en s’appuyant sur la gastronomie locale. Un coup de coeur ? Le jarret de porc braisé à la bière associé au Baltic Porter : Ink ! Bière noire de fermentation…basse !
Autre lieu, autre ambiance autour d’une micro-brasserie, j’ai nommé : « Au Brasseur ! »
Ici, c’est Laurent et Michel qui brassent tous les jours les bières bues tout au long de l’année. Une journée type de nos artisans de la bière. Arrivée à 7h. Petite séance de concassage, suivi de son empâtage agité au fourquet. Puis, enlèvement à la pelle des drêches obtenues après filtration du moût, stockage des drêches pour les donner plus tard à un agriculteur local ( les vaches en raffolent…), rinçage et nettoyage des cuves pour terminer la journée vers 15h. Mais si vous avez la chance de discuter avec Laurent et/ou Michel, ces deux là seront intarissables sur la brassage et ses étapes.
Laurent, fourquet en hêtre à la main, vous expliquera comment les levures chatouillent les sucres et gratouillent les esters. Comment les houblons viennent épicer la bière ( demandez lui son houblon préféré…) pendant que Michel s’attardera sur les céréales et ses virées en moto au coeur du Kochersberg, ses lumières et ses houblonnières toutes proches de Strasbourg.
Et si vous êtes très curieux, peut-être sortiront-ils avec vous rue des veaux pour vous montrer la preuve irréfutable, que c’est là ( ! ) que tout a commencé pour l’une des plus grandes brasseries désormais à Schiltigheim. Cette brasserie ? L’Espérance !
Fondée par Mr Jean Hatt, en 1746, tout proche de l’église St Guillaume, surmontée d’une ancre au sommet de son clocher, au coeur du quartier des Bateliers.
Ancre qui devint le nom d’une célèbre bière d’Alsace…Bref ! Là aussi, s’asseoir au Brasseur et déguster une St Guillaume ( tiens, tiens…) à la robe ambrée, ses notes de caramels, c’est entrer ne nouvelle fois, sans le savoir dans un chapitre de l’histoire de nos bières locales !
Evoquer la bière à Strasbourg, et son histoire, ne peut se faire sans évoquer la dynastie des Hatt !
Jerôme IV Hatt fonda en 1664 la brasserie « Au canon », berceau du groupe Kronenbourg…tandis que son petit -fils, Jean créera l’Espérance en 1746.
Au moment de l’essor industriel de la bière alsacienne, dans le 2eme partie du XIXe siècle, la première migrera dans le quartier de Cronenbourg et l’autre à Schiltigheim !
Migrations nécessaires pour creuser des caves essentielles à la garde ( au froid ) de nouvelles bières de fermentation basse, fleuron de cette industrie qui faisait sa révolution. Révolution qui permit de transporter via les trains de la bière, les bières d’Alsace à Paris, pour les exporter par la suite dans le monde entier.
Petit à petit naissèrent de nombreuses bières dénommées bock. Ce fut le cas avec la bock-ale de la brasserie Gruber, du Coq-blanc à Schiltigheim, ou encore le TigreBock… Cette brasserie strasbourgeoise du Tigre, rachetée par la famille Hatt en 1921 pour développer la marque Tigre Bock.
Ce lieu historique de la bière à Strasbourg a (ré)- ouvert ses portes en 2018, dans une brasserie moderne où les bières sont « élaborées « sur place. Ici, les bières ne sont pas brassées du début à la fin mais sont « affinées » sur place par les maîtres brasseurs de la maison mère Kronenbourg. De petits volumes élaborés autour de bières comme l’HefeWeizen aux notes de banane ( signature du genre…) et une extra-malt avec des notes caramélisées. Ici aussi, s’asseoir au Tigre, c’est plonger dans un pan de l’histoire locale.
Alors bienvenue à Strasbourg, que ce soit au « Meteor », au « Brasseur » ou au « Tigre », il est agréable de parcourir la ville et de déguster son histoire brassicole en posant ses lèvres dans une ces bières, filles héritières de l’Histoire brassicole locale ! Toujours avec modération 😉
Et peut-être chanterez-vous, comme à la Meinau : Jetzt geht’s los !