Très consommé dans les établissements du Nord et de l’Est de la France, le Picon est pourtant d’origine méditerranéenne. Retour sur l’histoire de cet alcool et de son créateur, Gaëtan Picon.
Gaétan Picon est né en 1809 à Gênes. A cette époque, Napoléon Bonaparte règne sur l’Europe et l’empereur français est roi d’Italie.
A la chute de l’empire en 1815, la famille Picon émigre à Marseille. C’est là-bas que le jeune Gaétan se forme à la distillation d’alcool. Il travaille comme apprenti-distillateur à Aix en Provence lorsqu’il rejoint l’armée française dans ses tristes conquêtes coloniales en Algérie, en 1830.
Dans la chaleur algéroise, les soldats sont dans l’obligation de s’abreuver, alors même que l’eau est souvent impropre à la consommation : paludisme et fortes fièvres tuent bon nombre de colons.
A l’origine, un médicament !
Le soldat Picon n’y échappe pas. Il tombe malade. En bon distillateur qu’il est, il se soigne alors avec de l’alcool dans lequel il fait infuser quinquina et gentiane, deux plantes connues pour leur propriétés thérapeutique et énergisante. Il aromatise le tout d’orange, le fruit local emblématique.
Le Picon est né ! Et la recette ne changera plus. Grâce à sa potion magique, l’apprenti herboriste guérit miraculeusement. Sa légende peut commencer.
La rumeur d’une boisson soignant fièvre et paludisme arrive jusqu’aux oreilles de l’Etat-major Français. Sur les ordres de ses supérieurs, le jeune Gaétan Picon se consacre alors à la fabrication de son remède afin d’abreuver l’ensemble du bataillon. Son breuvage, titrant à 21°, est alors consommé mélangé a de l’eau chaude. L’alcool tue les germes et les plantes combattent la fièvre et favorisent la digestion. De plus, l’écorce d’orange et le quinquina en font une boisson amère, donc désaltérante
Gaétan Picon commercialise pour la première fois son « Amer Africain » en 1837 à Philippeville, en Algérie françaises. Le succès de la boisson est immédiat et plusieurs productions voient le jour à Alger. Mais c’est en 1862 que cette boisson connait son grand succès : L’Amer Africain gagne une médaille de bronze à l’exposition universelle de Londres dans la catégorie apéritif « bitter » (amer).
Fort de cette reconnaissance, Gaétan Picon rentre à Marseille pour créer sa première usine sur le sol européen. Nous sommes en 1872. Il rebaptise son alcool « Amer Picon ».
Gaétan fait fortune et à la fin du XIXeme siècle, il existe des usines « Picon » à Levallois, Lyon, Bordeaux, Barcelone ou encore Genève.
A cette époque, le Picon est consommé généralement avec l’eau de Seltz, une eau gazeuse.
Années 60 : l’arrivée du Picon… bière !
Mais dans les années 60 la marque se réinvente et mise sur la mode des cocktails ! Le Picon commence à cette époque à être consommé avec… de la bière.
En 1962, dans le film « Un singe en hiver » J.P Belmondo et Jean Gabin consomment pour la première fois un Picon-Bière à l’écran. Paul Frankeur, qui joue le rôle du patron de bar, nous offre cette réplique (de Michel Audiard évidemment) devenue culte chez les amateurs de Picon : « Il faut l’aider à traverser, il y arrivera jamais tout seul. Le Picon-bière, ça pardonne pas. C’est de ça que mon pauvre papa est mort. Il n’y a rien de plus traître !»
Le succès du Picon consommé avec de la bière est tel que la marque se renomme Picon-Bière en 1967.
La marque lance ensuite en 1995 son Picon-Club pour être consommé avec du vin blanc ou en cocktail.
Aujourd’hui la marque Picon appartient au groupe Moet – Hennesy – Diageo, spécialisé dans divers alcools et spiritueux. En 2016, selon le groupe MHD, la vente de Picon en France s’élevait à 4,6 millions de litre dont près de 70% dans les régions Nord-Est.
C’est d’ailleurs dans le Nord, à Dunkerque, que l’on a rencontré Romain et Alex, deux des membres fondateurs de la bien réelle Amicale Flamande du Picon bière, un groupe Facebook de plus de 2000 fans ! Interview piconnée.
Interview : Alex & Romain, Dunkerquois, fondateurs de l’Amicale flamande du Picon-Bière.
Où et quand commence l’histoire de l’Amicale Flamande du Picon Bière ?
Alex : en Octobre 2014, autour d’un picon bière évidemment, avec Romain. Il a lancé l’idée de créer un groupe FB, un peu dans l’esprit de l’Amicale des Welshs.
Pourquoi un groupe FB ?
Alex : Par simplicité ! Et aussi pour partager nos expériences ! L’Amicale, c’est ensemble ! On a demandé à nos membres de partager diverses choses : des bonnes adresses de dégustations dans les bars, des voyages « piconnés », des photos d’objets dérivés de la marque…
Romain : Grace à la rubrique voyages, on a des membres un peu partout dans le monde !
Le succès a été immédiat ?
Romain : On a été surpris de l’ampleur dans les premières semaines ! Mais le vrai déclencheur a été la fabrication d’écussons à notre effigie pour les carnavaleux. On en a distribué environ 150 en 2015. Depuis on en a distribué 1000. On a compris très vite qu’il fallait créer plusieurs goodies pour notre communication. Et la saison de carnaval 2016 a été un vrai tremplin pour l’activité du groupe.
Combien de membres sur le groupe aujourd’hui ?
Alex : Plus de 2300 aujourd’hui dont une centaine à l’étranger avec une croissance de 40% environ sur 2019 ! Un grand merci à nos modérateurs d’ailleurs ! On est 7 en tout à gérer la page !
Quel est le profil type de l’amicaliste aujourd’hui ?
Alex : Très largement des hommes (82%). 90% environ de Nordistes et majoritairement des gens entre de 18-34 ans.
Romain : Certaines personnes plus âgées sont aussi actives sur Facebook juste pour être présent sur l’Amicale ! Toutes les générations sont représentées sur le groupe.
Quelle ont été les initiatives organisées par l’Amicale ?
Romain : On a fait des concerts !
Alex : Un vilain Karaokéké aussi ! Le slogan c’était : si tu t’appelles Kevin, t’as gagné !
Romain : On a contacté des patrons de bars pour organiser des évènements. Grace à ces partenariats on a pu organiser plusieurs évènements comme un concert à Lille au Verlaine avec les Blacks Picons, un karaoké à l’Oscar à Dunkerque et même un concours de jeux flamand au Sekhmet à Dunkerque également (merci d’ailleurs à David et à Vincent de Ghyvelde) ! Ces soirées étaient fortement arrosées de Picon bière évidemment. C’était une manière de faire se rencontrer les membres de l’Amicale dans des conditions réelles. Et à chaque évènement, on fait gagner des goodies !
« Une goutte de Cointreau, une lichette de liqueur Napoléon et une bonne dose de Picon ! Avec ça, tu chopes des oreilles de chien policier… »
Des évènements à venir ?
Alex : L’association est créée maintenant, ce qui nous donne plus de légitimité. On pourra désormais organiser des évènements officiels en notre nom dans un but caritatif.
Romain : On a des projets qui arrivent, des nouveaux goodies, des évènements en préparation, mais rien d’officiel ; les infos seront disponibles sur le groupe Facebook ! Et on n’oublie surtout pas notre fil rouge : le but de tout ça, c’est de boire à l’œil (rire) !
Vous avez un lien ou quelconque relation avec la marque Picon ?
Alex : Non, pas de lien particulier. Mais en règle générale, les établissements partenaires profitent de notre venue pour démarcher les commerciaux de la marque. Ils négocient des tarifs et des goodies, tout le monde est gagnant et ça fait plaisir aux clients !
Romain : A la soirée jeux flamands, le commercial nous a offert une belle plaque Picon en ferraille. On l’a dédicacée et offerte au gagnant du concours, un fan de l’Amicale qui s’appelait Gaëtan ! Tout un symbole !
Vous consommez le Picon avec de l’eau de Seltz comme des puristes ?
Romain : Le matin oui !
Alex : J’ai ma bouteille d’eau de Seltz en permanence à côté de mon lit !
Picon Bière ou Picon Club ?
Tous les deux : PICON BIERE !!
La question que tout le monde se pose : quelle est votre meilleure recette de Picon bière ?
Alex : Une goutte de Cointreau, une lichette de liqueur Napoléon et une bonne dose de Picon !
Romain : Le Picon doit représenter au moins 1/5 du volume total !
Vous conseillez surement une bière légère avec tout ça ?
Romain : Pardon ? Pour ma part c’est avec une bière blonde bien épaisse ! Avec ça, tu chopes des oreilles de chien policier…
Alex : Oui oui, une bière légère évidemment… à 6-7% . Mais le bon Picon bière, finalement, c’est comme le sketch des Inconnus : l’important c’est d’être avec ses amis !
Romain : … Ou avec des gens qui payent !
Quelle est pour vous la grande erreur à ne pas commettre dans une recette de Picon bière ?
Alex : Pas de Picon Club pour commencer ! Pas de bricolage !
Romain : C’est simple, mais important de le repréciser : bien verser le Picon avant la bière et non l’inverse ! Pour que la mousse soit homogène, de couleur et de texture : on appelle ça un mélange homocinétique !
Alex : Et évitons les bières industrielles : privilégiez les brasseries locales comme la Leutch de la brasserie « Les enfants de Jean Bart » à Dunkerque !
Pour finir, dans quel débitant du Nord trouve-t-on le meilleur Picon bière ?
Romain : Il y a 2 établissements tout en haut pour moi !
Alex : Chez Jeanniiiiine !
Romain : Chez Jeannine à Bourbourg, dans les Flandres ! Là-bas, c’est que de l’amour. Le Picon y est noir comme la nuit ! Et Jeannine c’est une légende dans l’Amicale !
Alex : Ensuite c’est la Roseraie à Dunkerque. Une belle dose de Picon et une ambiance incomparable !
Romain : Pour moi le second c’est chez Gisèle au St Eloi à Houtekerque ! Une adresse mondialement connue dans la région pour son Picon !