Thibaut Benicourt
Responsable Réseaux sociaux – Nantes Beer Festival
J’aurais aimé que 2021 soit l’année du retour du partage, de la convivialité dans les bars notamment mais aussi dans les festivals… Mais 2021 ce sera surtout toujours plus de canettes avec, j’espère, un plus large choix de formats (25cl ?). Du local, du très local en faisant tourner les brasseries proches de chez nous et une monté en puissance de la consigne. Du vieillissement en barriques, encore, ça donne une nouvelle dimension à la bière. Et pour finir, un retour a l’essentiel avec des recettes plus simples. Si je pouvais avoir raison que sur une phrase, je donnerais tout pour que ce soit la première…
Mr Christian Artzner
Maître-brasseur et fondateur de la brasserie Perle. Président de la Corporation des Artisans Brasseurs d’Alsace.
La crise que nous connaissons a obligé notre profession à s’adapter, réagir à ces nouveaux enjeux sanitaires et réfléchir sur ses choix stratégiques. Pour notre brasserie, la grosse majorité des débouchés de nos ventes sont les cafés, hôtel et restaurants ( CHR). Face à le fermeture ( temporaire ) de ceux-ci, il a fallu inventer de nouveaux canaux de vente, pour “continuer d’exister”. Une première réponse a été la mise en place du drive et le « click and collect ». Du côté de la boutique, ouvertes le samedi, les ventes en direct à la brasserie ont permis également de générer un important chiffre d’affaires. Sur 2021, je vois deux tendances majeures : un fort rebond de notre production lors de la réouverture progressive des CHR. Un maintien, a minima, de nos ventes directes à la boutique de la brasserie, en maintenant un lien fort avec nos clients fidèles. Voire une croissance de ces ventes pour conquérir de nouveaux clients, avides de bières locales.
Luc de Raedemaeker
Directeur du Brussel Beer Challenge
J’observe effectivement une forte tendance aux bières peu alcoolisées et sans alcool. Il y a de plus en plus d’engouement pour ces produits. Personnellement, j’aime les session (+/- 3,5% ABV) mais je ne suis pas un grand fan des bières sans alcool. Je pense que c’est étrange de supprimer un composant majeur de la fermentation dans une boisson fermentée. Mais je le répète, il y a une vraie demande sur ce marché.
Il y a une forte demande aujourd’hui pour certains styles de bières adaptés pour un faible % d’ABV comme les Berliner Weisse ou les session IPA. Ces bières sont rafraîchissantes et désaltérantes. Mais la tendance au low ABV à une limite car certains styles ont comme ADN un fort taux d’alcool. Un vin d’orge avec 1,5% ABV n’a aucun sens.
Pour ma part je pense qu’en 2021 nous retournerons à plus d’équilibre et de styles classiques. Nous mettrons de côté les expériences folles telle qu’une bière brune vieillie en fûts de Bordeaux infusée de thé noir et enrichie de Brett. Pour revenir à des bières équilibrées et plus facile à boire.
Jules Désormières
La Cave de Jules, La Madeleine
En tant que spécialiste en vins et spiritueux à l’origine, nous avons vu la demande s’accroître sur la bière ces dernières années. Le consommateur même non spécialiste est à la recherche d’une vraie gamme, on se doit d’aller au-delà du simple blond, triple, ambrée.
Pour 2021, on va naturellement être à la recherche de bières très originales sur le plan gustatif et nous orienter sur des bières dans l’esprit d’un vin, c’est-à-dire sur des produits plutôt digestes, tout en légèreté. On peut aussi bien craquer sur l’amer que sur l’acide.
On apprécie particulièrement les styles Berliner Weisse, les belles IPA légères ou encore les bières barriquées. Les canadiens de chez Dunham sont un must pour nous. Et il y a une vraie demande sur ce type de produits qui proposent un vrai design.
Cela dit, la demande de produits très locaux reste aussi en vogue. Même chose, sur ces références très locales, on va chercher l’originalité. Il y a plus de curiosité et d’ouverture de la part des clients. La tendance est au brassin éphémère, qui dépasse la simple bière de saison (Noël ou Printemps), à condition que les prix restent raisonnables.
Franck Di Gregorio
Associé des 2 bars à bières La Capsule (Lille & Arras) et directeur de la branche distribution (Hop Culture)
La bière de demain sera à coup sûr moins forte en alcool, ceci corroboré par l’avènement de certains styles comme les lagers et la grande famille des “sours” ou bières acides mais aussi et surtout les bières sans alcool. De manière générale, le consommateur, loin de se détourner des lieux de consommation, sera de plus en plus adepte du “boire moins mais mieux”, c’est-à-dire privilégier la qualité à la quantité. Je pense à un déclin des bières américaines pour 2 raisons : le prix et la qualité montante de nos brasseurs. Pas besoin de traverser l’Atlantique (ou la Manche) pour déjà boire une bonne IPA. Le marché national va aussi saturer, on voit encore des brasseries se créer (et c’est tant mieux) mais à un rythme moins effréné qu’il y a 4 ou 5 ans. A l’inverse, les fermetures s’accélèrent malheureusement aussi, dû souvent à un business modèle mal étudié (mauvaise cible, mauvais canal de distribution, etc…). En résumé, il y a encore de la place mais bien connaître ses futurs clients sur leur mode d’appro et leurs goûts sera déterminant!